Double dissolution en Côte d’Ivoire : « un véritable coup d’Etat » ?
15 févrierLe président Laurent Gbagbo a annoncé la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) vendredi 12 février au soir. « Je veux, pour la Côte d’Ivoire, un gouvernement de sortie de crise. Un gouvernement au service des Ivoiriens et non aux ordres des partis politiques. La mission de ce gouvernement sera de conduire, sous l’autorité du président de la République et du Premier ministre, les dernières actions nécessaires pour sortir la Côte d’Ivoire définitivement de la crise », a-t-il déclaré à la Radio Télévision Ivoirienne (RTI). Il justifie sa prise de décision par le blocage des négociations, le 11 février, et la crise ouverte par la polémique sur une « fraude » présumée du chef du CEI Robert Beugré Mambé. Depuis, la tension est perceptible dans le pays et des incidents isolés ont éclaté dans certains quartiers. L’opposition a lancé un appel au peuple pour qu’il s’oppose par tous les moyens à « ce coup d’Etat », un appel sans précédent.
En 2005, déjà, au terme normal du mandat constitutionnel du président Gbagbo, l’opposition avait envisagé de lancer un appel de ce genre. Des négociations menées par les Nations Unies et l’Union africaine avaient alors permis d’aboutir à un compromis. Cette fois-ci, la décision de M. Laurent Gbagbo est « antidémocratique et anticonstitutionnelle » d’après le RHDP qui a proclamé qu’il ne reconnaissait plus « M. Laurent Gbagbo comme chef de l’Etat de Côte d’Ivoire ». Le RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) regroupe les quatre principales formations politiques de l’opposition. La Convention de la société civile ivoirienne (CSCI) a elle aussi réagi à la double dissolution en condamnant « un vide institutionnel, administratif et politique qui fragilise davantage la Côte d’Ivoire. » Tous remettent en doute la légalité de l’invocation de l’article 48 de la Constitution comme base juridique à la dissolution. Cet article prévoit qu’en cas de menace grave et immédiate sur les institutions, sur l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou encore l’exécution de ses engagements internationaux, le président de la République a le droit de prendre des mesures exceptionnelles. Autrement dit, il permet au président de s’attribuer les pleins pouvoirs. D’après les autorités, Robert Beugré Mambé, le président de la CEI, a tenté d’introduire frauduleusement sur la liste électorale quelques 429.000 noms. De son coté, le parti du chef de l’Etat, le Front populaire ivoirien a lancé des procédures judiciaires pour rayer de la liste des électeurs à la « nationalité douteuse ».
Plusieurs incidents, incluant des dizaines de blessés et l’incendie de bâtiments publics, ont éclaté en province avant que les autorités suspendent la période de contentieux au nom de l’intérêt national. Des sources proches du pouvoir ont indiqué que la CEI sera « remodelée » et « allégée » pour la rendre « plus opérationnelle ». Quant au gouvernement, le pouvoir aimerait le dépolitiser. Mais la formation de ce nouveau gouvernement risque d’être particulièrement difficile pour Guillaume Soro, le premier ministre, car il est peu envisageable que les parties de l’opposition continuent à cohabiter avec un président qu’ils ne reconnaissent plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire