La trêve a duré le temps des fêtes de fin d’année. Depuis dimanche, les acteurs politiques africains impliqués dans la résolution de la crise ivoirienne reprennent du poil de la bête. Deux blocs s’empoignent à distance à la Cedeao, et à l’Union africaine. Cette fois, c’est la Sierra Leone qui prend les devants des anti-Gbagbo, partisans d’une guerre civile pour tenter d’évincer le Président élu. Juste avant l’arrivée des conciliateurs ouest-africains à Abidjan, le porte parole du gouvernement sierra léonais rue dans les brancards ‘’françafricains’’. Pour Ibrahim Ben Kargbo, la Cedeao devrait s’en tenir à la dictée de la France, et sommer Gbagbo de rendre le tablier ou le cas échéant, apposer une force militaire au Président réélu.
« Nous nous referons strictement au communiqué publié la veille de Noel, annonçant clairement que le Président Gbagbo devrait démissionner. C’est notre document de travail, il n’y a aucun compromis », soutient-il, sans doute pour prendre le contre-pied du Cap-Vert, qui prône une issue politique à la situation. L’on se rappelle que c’est après la visite des médiateurs de la Cedeao que Pedro Pires a officiellement pris ses distances avec ‘’le gangstérisme politique’’ du Nigérian Jonathan Goodluck, le très officiel porte parole de Nicolas Sarkozy. C’est donc dans cette atmosphère brumeuse que le trio présidentiel est arrivé ce lundi à Abidjan. Une délégation aux positions tranchées, puisque composée du Cap-Verdien Pedro Pires, vomi par Ouattara et ses affidés, du Béninois Yayi Boni et du Sierra Léonais Ernest Koroma, adepte d’une force militaire coalisée pour combattre la Côte d’Ivoire. A noter que la semaine dernière, le Ghana s’est clairement prononcé pour une résolution en dehors de tout plan militaire.
C’est clair, la Communauté ouest-africaine est traversée par des clivages. Et la présence de l’Union africaine qui prend désormais part aux discussions d’Abidjan pourrait durcir les positions. Et ce, entre les pays qui appellent à la non ingérence de la communauté internationale et ceux qui ont pris fait et cause pour Alassane Ouattara le candidat défait et filleul de la France. C’est le Premier ministre kenyan Raila Odinga qui représente l’UA. Il est notoirement connu pour son intempérance contre le Président Laurent Gbagbo. Il se murmure que c’est pour contrer l’Angola qui fustige « l’ingérence » de Sarkozy et est alliés que Paris a pesé de son poids pour la cooptation du Kenyan.
Pour sûre, Odinga est chargé de donner l’onction de l’UA à l’option militaire d’une partie de la Cedeao. Délicate mission, d’autant que les pays de l’Afrique australe en général ne sont pas de cet avis. A commencer par les dirigeants sud-africains qui, selon de bonnes sources entendent se démarquer des anti Gbagbo au sein de l’Union. Le député sud-africain, le Révérend Kenneth Meshoe en visite en ce moment en Côte d’Ivoire a levé un coin de voile sur la perception de son pays, de la crise postélectorale.
Dans les colonnes de ‘’Notre Voie’’ hier, cet élu et guide spirituel précise certes s’exprimer en tant que homme de Dieu mais n’en demeure pas moins catégorique. « Nous voulons croire que le verdict qui a été donné par le Conseil constitutionnel de déclarer que le Président Gbagbo a gagné les élections sera connu et respecté par la communauté internationale. Nous allons nous tenir aux côtés du peuple de Côte d’Ivoire », a confié le député Kenneth, leader de ‘’African christian democratic party’’, formation politique de la nation arc-en-ciel. Il a tenu son propos dimanche 2 janvier, au sortir d’un tête à tête avec Paul Yao N’dré, le président du Conseil constitutionnel. Et fort justement, Kenneth Meshoe a salué la proclamation du second tour de la présidentielle, par l’organe suprême de la juridiction ivoirienne.
« Nous sommes heureux de voir que vous avez un Conseil constitutionnel qui est bien ferme sur le règne de la loi et qu’il n’a pas été intimidé. Pour la Constitution, c’est le Conseil constitutionnel qui a le pouvoir de faire la déclaration finale. Nous croyons que le CC a été bafoué dans la procédure (…) Nous voulons rappeler que l’ordre sera rétabli dans toute l’Afrique, seulement quand on respectera le règne de la loi », a soutenu le député sud-africain, indiquant ainsi l’état d’esprit des dirigeants africains partisans du respect de la légitimité de Laurent Gbagbo à la présidence de la République.
Outre le respect des institutions, les antagonistes à la Cedeao et à l’Union africaine devront se départager sur le recomptage des voix, que souhaite ardemment le chef de l’Etat ivoirien.
Source : ivoire-dépêches.com